mardi 29 novembre 2022

Devoirs & droits des enseignants contractuels du supérieur en matière de corrections de copies et de surveillances d’examens.


1) Ce que disent les décrets


a) La lettre de ces décrets

Pour les doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche, article 5-1 du décret n°2009-464 :

« Lorsque les doctorants contractuels assurent un service d'enseignement, ils sont soumis aux diverses obligations qu'implique cette activité et participent notamment au contrôle des connaissances et aux examens relevant de leurs enseignements. L'exécution de ces tâches ne donne lieu ni à une rémunération supplémentaire ni à une réduction des obligations de service prévues par le contrat ».

Pour les enseignants vacataires de l’enseignement supérieur, ceux qui le sont à titre accessoire en sus d’une activité principale extérieure à l’établissement où sont effectuées les vacations, article 5 du décret n°87-889 :

« A l'exception de ceux qui n'assurent que des vacations occasionnelles, les personnels régis par le présent décret sont soumis aux diverses obligations qu'implique leur activité d'enseignement et participent notamment au contrôle des connaissances et aux examens relevant de leur enseignement. L'exécution de ces tâches ne donne lieu ni à une rémunération supplémentaire ni à une réduction des obligations de service fixées lors de leur engagement ».

Pour les ATER, article 10 du Décret n° 88-654 :

« Les attachés temporaires […] assurent également les tâches liées à leur activité d'enseignement et participent notamment au contrôle des connaissances et aux examens. L'exécution de ces tâches ne donne lieu ni à une rémunération supplémentaire ni à une réduction des obligations de service fixées à l'alinéa précédent. Aucune charge d'enseignement complémentaire ne peut leur être confiée ».


b) Ce qui résulte directement de ces décrets

Les obligations en sus des heures de présence devant les étudiants doivent être impliquées ou être liées à cet aspect de « leur » activité d’enseignement. Et il s’agit d’une « participation », de faire sa juste part, pas la totalité à la place de l’enseignant titulaire qui est lui aussi soumis à ce type d’obligation. Il n’est donc pas légal de leur en imposer une part qui serait disproportionnée en considération de leur participation à l’enseignement concerné.

Par ailleurs, quand les travaux dirigés ou les travaux pratiques font l’objet de la part des enseignants contractuels d’un contrôle continu, on peut estimer que leur obligation en matière de correction de copies a déjà été satisfaite, sans qu’on puisse leur imposer en plus de devoir corriger les copies d’examen. La surveillance d’examen, en revanche, semble pouvoir être imposée dès lors qu’elle concerne bien un enseignement auquel le contractuel a participé, et qu’il faut parfois devoir intervenir auprès des étudiants.

Pour les vacataires, le sens du mot « occasionnel » se comprend bien, mais sa portée quantitative est plus incertaine.


2) Ce que dit la jurisprudence en matière d’obligations annexes liées aux enseignements.

À ce jour, la décision de justice la plus récente et de plus haut niveau est un arrêt du 28 avril 2022 de la Cour administrative d’appel de Nancy (affaire 20NC03617 cf.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045724280?init=true&page=1&query=20NC03617&searchField=ALL&tab_selection=all ).

Cette affaire concernait une surveillance d’examen imposée à un enseignant-chercheurs alors que cet examen n’était aucunement lié à un des enseignements qu’il avait dispensés. L’administration considérait que même dans ce cas, elle pouvait imposer une surveillance d’examen aux enseignants.

Dans sont considérant n°8, la Cour considère :

- que « la surveillance des examens écrits fait partie intégrante du contrôle des connaissances qui incombe aux enseignants-chercheurs au même titre que la préparation des sujets et la correction des copies pour les matières qu'ils enseignent » ; ce qui incombe aux enseignants-chercheurs exclut donc qu’ils s’en déchargent sur les contractuels au-delà de ce que les décrets régissant ces contractuels leur imposent, et ça vaut aussi pour les corrections de copies

- qu’« en revanche, il ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire que les enseignants sont tenus d'assurer la surveillance d'examens ne relevant pas de leur service d'enseignement » ; ce qui vaut a fortiori pour les enseignants contractuels, et plus encore pour les vacataires ; et ça vaut aussi pour les corrections de copies.

Le SAGES ignore si cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy a fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État de la part de l’université. Si c’est le cas, nous vous ferons connaître la teneur et la portée de l’éventuel futur arrêt du Conseil d’État à l’égard des enseignants contractuels du supérieur.

3) En ce qui concerne le paiement des heures de surveillance illégalement imposées par une université.

C’était aussi l’objet de l’arrêt précité, puisque l’enseignant a assuré les surveillances et a ensuite demandé la compensation financière, que la Cour lui a octroyée.

Or aussi bien pour les enseignants titulaires que pour les enseignants contractuels, les surveillances d’examen ne donnent lieu « ni à une rémunération supplémentaire ni à une réduction des obligations de service ». Mais c’est une action en responsabilité qu’a exercée l’enseignant concerné :

- c’est illégalement que l’université lui a imposé ces surveillances d’examen, elle a donc commis une faute

- il en résulté un préjudice pour cet enseignant, à savoir un travail supplémentaire en sus de ses obligations statutaires (idem s’il s’était agi d’obligations contractuelles), non rémunéré ; comme il doit être présumé qu’il a bien satisfait par ailleurs à ses obligations statutaires (ou contractuelles), ce travail a donc empiété contre sa volonté sur le temps dont il doit disposer pour sa vie privée

- l’enseignant était donc recevable et fondé à exercer une action en responsabilité pour faute pour obtenir réparation du préjudice subi par la faute de l’administration ; la responsabilité pour faute est le fondement juridique qui se substitue aux obligations statutaires ou contractuelles pour justifier un paiement d’heures indûment imposées que les décrets interdisent.

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